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Comment réussir à édifier un idéal social sur d’aussi inconstantes bases, sur d’aussi fragiles incertitudes ? Sous peine de périr, il faut y arriver pourtant. Une nation peut bien subsister quelque temps sans idéal, mais l’histoire nous apprend que, dans ces conditions, elle ne saurait durer. Un peuple n’a jamais survécu longtemps à la perte de son idéal.

L’idéal à défendre est toujours fils du temps et non de nos volontés. Ne pouvant le créer par notre vouloir, nous sommes condamnés à l’accepter sans chercher à le discuter.

Trop de choses ont été détruites en France pour que beaucoup d’idéals aient survécu. Il nous en reste un cependant, constitué par la notion de patrie. C’est à peu près le seul demeuré debout sur les vestiges des religions et des croyances que le temps a brisées.

Cette notion de patrie qui, heureusement pour nous, survit encore dans la majorité des âmes, représente l’héritage de sentiments, de traditions, de pensées et d’intérêts communs dont je parlais plus haut. Elle est le dernier lien qui maintienne encore l’existence des sociétés latines. Il faut dès l’enfance apprendre à l’aimer et le défendre et jamais le discuter.

C’est parce que pendant près d’un siècle les Universités allemandes ont sans cesse exalté l’idée de patrie que l’Allemagne est devenue si forte et si grande. En Angleterre, un tel idéal n’a pas besoin d’être enseigné, car il se trouve depuis longtemps fixé par l’hérédité dans les âmes. En Amérique, où l’idée de patrie est encore un peu neuve et pourrait être ébranlée par l’apport constant de sang étranger, — si dange-