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sur le sol britannique. Aucun argument rationaliste ne saurait l’entamer. Petits et grands vénèrent profondément leur Dieu national, respectent des traditions fixées par une hérédité séculaire et les principes de morale invariables qui en découlent. Possédant en outre à un haut degré le sens du réel, et comprenant la puissance des faits, ils savent s’y accommoder et y accommodent aussi leurs principes. Aussi les revers les plus humiliants ne sauraient les accabler. Que peuvent signifier d’ailleurs des événements transitoires contre le peuple de Dieu, qui est éternel ?

Les Français, eux aussi, ont possédé jadis un idéal assez fort, mais dès qu’il n’a plus semblé s’adapter à leurs besoins, ils l’ont détruit violemment et n’ont pas réussi encore à le remplacer.

Ayant perdu leurs traditions et leurs dieux, ils cherchèrent à baser sur la raison pure des principes nouveaux destinés à soutenir l’édifice social, mais ces principes incertains sont devenus de plus en plus discutés et flottants. La raison humaine ne s’est pas montrée encore assez forte ni assez haute pour construire les bases d’un édifice social. Elle n’a servi qu’à bâtir des monuments fragiles, qui tombent en ruines avant même d’être terminés. Elle n’a rien élevé de solide, mais a tout ébranlé. Les peuples qui se sont confiés à elle ne croient plus à leurs dieux, à leurs traditions et à leurs principes. Ils ne croient pas davantage à leurs chefs et les renversent après les avoir acclamés. Ne possédant à aucun degré le sens des possibilités et des réalités, ils vivent de plus en plus dans l’irréel, poursuivant sans cesse d’hallucinantes chimères.