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Actuellement il n’est peut-être pas un professeur de l’Université sur cent à qui de telles idées ne sembleront absurdes. L’enseignement par les livres, même pour les notions les plus pratiques, l’agriculture par exemple, leur apparaît comme le seul possible. Le meilleur élève, qu’il s’agisse d’un lycéen, d’un polytechnicien, d’un licencié, d’un élève de l’École Centrale, de l’École Normale, ou de toute autre école, est celui qui récite le mieux ses manuels. Quelques expériences montrées à distance, quelques manipulations sommaires, semblent à l’Université le maximum des concessions que l’on puisse faire à l’éducation expérimentale. Tout ce qui ressemble, même de loin, au travail manuel, est tenu en mépris par elle. On provoquerait un rire de pitié chez la plupart des professeurs en leur assurant qu’un travail manuel quelconque, si peu important soit-il, exerce beaucoup plus le raisonnement que la récitation de tous les traités de logique, et que l’expérience seule crée les associations au moyen desquelles les notions se fixent dans l’esprit. On les étonnerait fort en essayant de leur persuader qu’un homme qui connaît bien un métier a, par ce seul fait, plus de jugement, de logique, d’aptitude à réfléchir, que le plus parfait des rhétoriciens fabriqués par l’Université. Ce sont des tours d’esprit, tout autant que des tours de main, que donne le travail manuel.

Il ne faudrait pas supposer que les sciences dites expérimentales puissent seules être enseignées par l’expérience. Nous verrons bientôt que les langues, l’histoire, la géographie, la morale, etc., en un mot tout ce qui fait partie de l’instruction et de l’éducation, peut et doit être enseigné de la même façon.