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qu’une main étrangère s’approche de l’œil, il se ferme par un mouvement réflexe, mais un peu d’exercice et de volonté suffisent pour apprendre à dominer ce réflexe et maintenir l’œil ouvert lorsque la main s’approche.

Un des buts principaux de l’éducation est, comme il a été dit plus haut, de créer des réflexes artificiels qui puissent, suivant les cas, développer, ou au contraire affaiblir, les réflexes héréditaires. Tous les primitifs, femmes, sauvages, enfants, et même des hommes très civilisés à certaines heures, sont guidés par leurs réflexes héréditaires. Cédant aux impulsions du moment sans songer aux conséquences, ils se conduisent comme le nègre qui vend le matin pour un verre d’alcool la couverture qu’il sera obligé de racheter le soir quand le froid sera venu ou, comme Esaü, auquel la légende fait céder son droit d’aînesse, droit important mais d’une utilité lointaine, pour un plat de lentilles, avantage peu important mais d’une utilité immédiate.

L’homme n’a commencé à sortir de la barbarie, où par tant de racines il plonge encore, qu’après avoir appris à se discipliner, c’est-à-dire à dominer ses réflexes héréditaires. L’individu arrivé à un haut degré de culture sait se servir de ses réflexes comme le pianiste de son instrument. La prévision des effets lointains de ses actes lui enseigne à dominer les impulsions auxquelles il serait tenté de céder.

À cette tâche immense d’acquérir une discipline interne, une faible partie de l’humanité a réussi, malgré des siècles d’efforts, malgré la rigidité des Codes et leurs menaces redoutables. Pour la majorité des hommes, la discipline externe créée par les Codes