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Il y a une maladie généraIe de la bourgeoisie qui domine en quelque sorte la question et l’empêche d’aboutir. Nos classes bourgeoises ont une tendance fatale et invétérée, qui survit à tous les régimes, à vouloir se séparer rapidement du peuple et à organiser pour elles-mêmes une éducation de caste. Si l’on veut bien y réfléchir, notre enseignement secondaire est précisément cette éducation de caste. Tel que nous le comprenons à l’heure actuelle, il n’est pas le complément de l’enseignement primaire, il n’est pas non plus l’épanouissement, par sélection, de cet enseignement primaire, il est autre chose, il est un enseignement qui se juxtapose au précédent, qui ne le continue pas, un enseignement pour le peuple, de l’autre un enseignement pour les riches, auxquels vient se joindre l’élite populaire, dont nous ne devons pas tenir compte, pour cette raison qu’elle prend tous les défauts ou toutes les qualités de la classe dite « bourgeoise » ou dite « riche »[1].

Le préjugé des familles est d’ailleurs partagé par les grandes administrations publiques, M. Goblet en a donné une bien amusante preuve devant la Commission.

En même temps nous donnions à cet enseignement ainsi transformé les premières sanctions qui devaient y attirer les familles, en ouvrant à son baccalauréat l’accès de certaines grandes écoles et de certaines administrations de l’État. Je me souviens à ce sujet que, si j’obtins facilement des ministères de la Guerre et de la Marine que le baccalauréat du nouvel enseignement fût reçu pour l’entrée aux écoles Polytechnique et de Saint-Cyr et à l’École navale, il me fut impossible d’avoir l’adhésion de certaines administrations financières, comme les contributions directes et l’enregistrement, les honorables représentants de ces administrations soutenant qu’une des principales obligations de leurs agents était de savoir rédiger un rapport et que la connaissance du grec et du latin y étaient nécessaires[2].

On ne saisit pas du tout l’influence que pourraient exercer quelques notions de grec et de latin sur les rapports que sont appelés à écrire de modestes

  1. Enquête, t. I, p. 489. Henry Bérenger, publiciste.
  2. Enquête, t. II, p. 662, René Goblet, ancien ministre de l’Instruction publique.