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inutiles. En effet, une telle continuité d’efforts intellectuels étant presque impossible, et la somme d’attention soutenue dont l’enfant le mieux doué est capable étant fort au-dessous de la limite réglementaire, on produit la lassitude et l’ennui, sans obtenir plus de travail utile. Par ces excès, on compromet en quelque sorte la discipline en la rendant oppressive, et on justifie la dissipation en la rendant presque nécessaire[1].

Dans tous les lycées de France, on se lève a la même heure, on se couche à la même heure ; mêmes heures pour les repas, les classes, les récréations. De même, le régime des études, programmes, exercices scolaires, est réglé jusque dans les plus petits détails[2].

Le nombre d’heures de travail au lycée est excessif et très supérieur à celui qu’on impose aux forçats. L’hygiène y est déplorable. Le régime alimentaire généralement détestable.

Je puis vous parler du régime de l’internat, au point de vue matériel, intellectuel et moral.

Au point de vue matériel, c’est un régime absurde à première vue. Si nous faisons le compte des moments que l’élève passe debout en plein air, nous arrivons à deux heures et demie au total.

Il semble que, pour des êtres qui se développent, il y a là une situation dangereuse, anormale ; être deux heures et demie à l’air libre, sur vingt-quatre, c’est trop peu.

Nos promenades du jeudi et du dimanche sont sans intérêt et sans utilité. L’élève s’y traîne dans les rues et sur les routes. Il en revient fatigué, sans profit pour son développement physique.

… J’en viens à la nourriture. Elle est, en général, franchement mauvaise, parce que mal préparée[3].

Ce régime abrutissant plonge les élèves sinon dans la tristesse au moins dans une sorte de résignation hébétée que trahit leurs faces mornes.

La plupart de nos élèves ne sont pas gais ; nous leur infligeons tant d’heures de travail que nécessairement leur santé

  1. Enquête, t. I, p.415. Maneuvrier, ancien élève de l’École Normale.
  2. Enquête, t. I, p. 38. Lavisse, protesseur à la Sorbonne.
  3. Enquête, t. II, p. 417. Pequignat, répétiteur au lycée Henri IV.