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lantes, mais devait former une action divisée en plusieurs tableaux. Dauberval, auquel s’était attaché le jeune Viganô, était l’un des très rares chorégraphes français qui s’efforçassent d’appliquer les théories de Noverre, théories auxquelles Noverre lui-même s’était bien rarement conformé dans la pratique. Quoique danseur prestigieux, Dauberval attachait la plus grande importance à la pantomime. « Elle exprime avec rapidité, disait-il, les mouvements de l’âme ; elle est le langage de tous les peuples, de tous les âges, de tous les temps ; elle peint encore mieux que la parole une douleur extrême ou une joie excessive. >' « Il ne me suffît pas de plaire aux yeux, proclamait-il, je veux intéresser le cœur (1). » Les danses de Dauberval avaient toujours un caractère expressif. On citait en exemple le pas de deux qu’il avait composé pour le bcJlet de Silvia et en lequel un faune et une nymphe mimaient en dansant toute une intrigue amoureuse. Viganô recueillit donc de la bouche de Dauberval la pure tradition de Noverre, fait très important car nous le verrons par la suite tirer les dernières conséquences des principes du grand réformateur. En 1790, Viganô regagna l’Italie et fît paraître aux yeux des Vénitiens sur la scène du San Samuele dont son père était l’imprésario, toutes les grâces de la technique française. L’année suivante, il composait pour ce théâtre son premier ballet Raoul, tiré d’une comédie de Manuel et peut-être imité d’un ballet de Dauberval. En 1792, il affirmait d’ailleurs son admiration pour son maître en mettant à la scène à la Fenice La Fille mal gardée du chorégraphe français.

En 1 793, il partait pour Vienne avec sa femme. La belle Maria Médina enchanta les Autrichiens. Viganô la faisait danser presque nue, sous des voiles légers, qui moulaient son corps admirable. Sa danse très voluptueuse consistait, au témoignage d’un contemporain, en une succession d’attitudes empruntées aux statues, bas-reliefs et fresques antiques (2). La séduisante Espagnole fit une vive impression sur l’empereur.


(1) Cité par Blasis dans son Traité. (Milan, 1820. pp. 10 et 39.)

(2) Lettera politiche deïï Abate Casti... publ. par Em. Greppi dans les Miscellanea di Storia itatiana édita per cura délia Regia Deputazione di Storia palria. Turin, 1883, tome XXI, pp. 158 et suiv. Çet intéressant document relatif à Viganô m’a été signalé par mon savant collègue et ami_ Giorgio Banni qui connaît mieux que personne les choses de théâtre et de musique du début du XIX° siècle.