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l’intention de se consacrer à la composition. Son oncle Boccherini lui donna sans doute sinon des leçons, du moins des conseils. À dix-sept ans, il composa la partition d’un bref opera buffa ou plus exactement d’un intermezzo qui fut représenté à Rome. Nous aurons à revenir sur le talent de musicien de Viganô. Son esthétique, nous le verrons, va être essentiellement fondée sur l’intime liaison du geste et du rythme.

Après avoir débuté à Rome comme danseur, Salvatore partit avec son oncle Giovanni Viganô pour l’Espagne afin de prendre part aux fêtes du couronnement du roi Charles IV. À Madrid, il s’éprit d’une jeune danseuse espagnole d’une beauté surprenante. Maria Médina, et l’épousa. Salvatore fit la connaissance, à Madrid, du célèbre danseur et maître de ballets Dauberval. Celui-ci, frappé du talent du jeune homme, lui proposa de l’emmener en Angleterre et de l’initier aux secrets de la danse théâtrale française.

Vers la fin du XVIIIe siècle, la danse française jouissait d’un prestige universel. De Moscou à Naples, de Londres à Vienne, le ballet français triomphait. Partout appelés, partout fêtés, les danseurs de l’Académie royale de Musique faisaient les beaux jours des cours étrangères. C’est en France que s’était lentement élaborée la technique de la danse théâtrale. Elle était enfin parvenue au dernier point de perfection. Camargo ou Salle, Allard ou la Guimard, Gardel, Dauberval ou Vestris faisaient preuve de la plus étonnante virtuosité. Quand on avait admiré leurs bonds, leurs entrechats, leurs pirouettes, on trouvait que les danseurs des autres pays avaient les « jambes de plomb ».

Les Français n’avaient pas tardé à abuser de cette virtuosité. Ils se complaisaient à des exercices de souplesse, de force, d’agilité dans lesquels l’esprit n’avait pas grande part. Noverre avait tenté d’y mettre bon ordre. Il avait déclaré la guerre aux costumes et accessoires surannés. Panniers, perruques frisées, masques avaient été par lui proscrits. Au nom de l’Antiquité, il avait rappelé aux danseurs que leur art devait tendre à émouvoir non seulement les sens, mais aussi les sentiments des spectateurs, que tous leurs gestes devaient être expressifs et non pas seulement agréables à la vue. Un ballet ne devait pas consister en une succession d’entrées bril-