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invite au rêve ; elle en ouvre les avenues, à l’infini. Je dirai tout d’abord par où je veux conclure : le drame des idées non rationnelles est le drame musical entre tous. Il ne peut plus y avoir de métaphysique persuasive ou pénétrante qu’en musique. Et cette musique doit être un poème de danse, ou ne s’en mêler pas.

Quand la science ou le bon sens vulgaire s’en prennent à la métaphysique, elle n’a plus qu’à refuser le combat, à céder la place et à fuir. La science et la raison commune triomphent à peu de frais : elles sont les servantes du Seigneur, qui sont devenues ses maîtresses ; et elles comptent bien hériter du domaine, quand il sera mort du cœur. Ces deux filles de ferme ont l’insolence tranquille des paysans qui, une fois propriétaires, ne se rappellent plus leur servage de la veille ; et tandis qu’ils remuent du purin, qu’ils entassent du fumier et qu’ils préparent leurs champs, ils demandent avec la plus morne outrecuidance à Newton formulant ses équations sous un pommier, et bien plus encore à Shakespeare écrivant la Tempête : « À quoi cela sert-il ? Mange-t-on du papier ? Il n’est bons chiffres que la somme des recettes au retour du marché. » Mais Shakespeare sourit, et fait parler Caliban.

La science a raison dans son ordre, comme le sens commun dans le train de la vie quotidienne. Toutefois, tant qu’il y aura des esprits pour rêver, pour concevoir le monde et n’y pas être seulement, la religion et la métaphysique seront pour eux une nécessité : comme elle est la plus amoureuse, elle est la plus profonde, sinon la plus directe. L’art y répond ; et entre tous les arts, la poésie et la musique.

XI

J’admire en riant comme ma solution est de nature à satisfaire tous les amours propres. Les gens de bon sens diront qu’il est bien digne de la métaphysique et de la religion qu’elles se résolvent en art, en musique et en poème : toutes ces fumées sont bien faites pour répondre les unes des autres. Je le crois aussi. La raison géométrique n’a plus rien à faire ici. Où la logique prend fin, que le rêve de la poésie commence. Faut-il l’avouer ? L’amour, tel que l’homme l’a conçu, le