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ou l’action, et qu’on entendît de beaux chants, sans qu’ils fussent visibles. Wagner n’est pas traîné seulement au concert par l’avarice ou la paresse des chefs d’orchestre : Tristan excepté, sa musique y est plus musique et plus elle-même qu’à la scène, où le spectacle la corrompt. Parsifal, cette messe sublime, pour la meilleure part, est le concert mimé que je veux dire.

La voix mérite bien qu’on la traite enfin comme un incomparable instrument d’orchestre : le luth des passions, la viole humaine.

Peu de paroles : aussi bien ne les perçoit-on jamais. Quelques-unes, mais du plus haut prix ; et qui ont la portée du texte religieux à l’église : de celles qui font rêver la vie, ou qui nomment en nous les cimes où elle touche, les abîmes où elle se penche, les autres horizons. Pour la musique, tout poème doit être plus ou moins mystique. Les beaux mimes faisant voir l’action, les voix invisibles faisant entendre les sentiments et les âmes, quel spectacle ce pourrait être.

V

Il est un grand rythme, qui est au rythme banal ce que l’harmonie des vrais musiciens est à la mélodie des autres.

Les ensembles de la pensée musicale, ses courbes diverses et leurs relations entre elles définissent ce rythme. Ainsi, une suite d’architectures constitue la fresque monumentale d’une ville : la Cité, puis le Louvre, puis la Concorde et les Champs-Élysées. Ou bien la Seigneurie, la place du Dôme avec le Campanile, et les retours obstinés et félins de Florence sur l’Arno.

Je vois fort bien un poème de musique mimée, dont les grands rythmes seraient faits uniquement par l’alternance calculée des mouvements, tantôt lents, tantôt rapides, ici des ondulations, là des bonds plus vifs ou plus vites ; alternant par masses, comme un palais avec une église, une loge avec un clocher, ou mieux encore comme les strophes et les antistrophes, toutes de mètres différents.

VI

La barre de mesure porte tout le ballet moderne, à l’égal de l’ancien. De là, l’ennuyeuse monotonie des mimes. L’abus du rythme simple