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qu’il l’effleure, qu’il la fuie, ou qu’il la pénètre… Ils l’éloignent soudain de celle qu’il a fini d’aimer, comme aussitôt ils l’y ramènent, s’il se repent d’y avoir laissé quelque suc dont le souvenir le suit, duquel la suavité l’obsède pendant le reste de son vol… Ou bien me faudrait-il, ô Phèdre, le subtil déplacement de la danseuse, qui s’insinuant entre mes pensées, les irait éveiller délicatement chacune à son tour, les faisant surgir de l’ombre de mon âme, et paraître à la lumière de vos esprits, dans l’ordre le plus heureux des ordres possibles !

PHÈDRE

Parle, parle… Je vois l’abeille sur ta bouche, et la danseuse dans ton regard !

ÉRYXIMAQUE

Parle, ô Maître dans l’art divin de se fier à la naissante idée !… Auteur toujours heureux des conséquences merveilleuses d’un accident dialectique !… Parle ! Tire le fil doré… Amène de tes absences profondes quelque vivante vérité !

PHÈDRE

Le hasard est avec toi… Il se change insensiblement en sagesse, à mesure que tu le poursuis de la voix dans le labyrinthe de ton âme !

SOCRATE

Eh bien, je prétends, avant toute chose, consulter notre médecin !

ÉRYXIMAQUE

Ce que tu voudras, cher Socrate.

SOCRATE

Dis-moi donc, fils d’Acumène, ô Thérapeute Éryximaque, toi pour qui les drogues très amères et les aromates ténébreux ont si peu de vertus cachées que tu n’en fais aucun usage ; toi donc, qui possédant aussi bien qu’homme du monde, tous les secrets de l’art et ceux de la nature, toutefois ne prescris, ni ne préconises, baumes, ni bols, ni les mastics mystérieux ; toi, davantage, qui ne te fies aux élixirs, qui ne crois guère aux philtres confidentiels ; ô guérisseur sans électuaires, ô dédaigneux de tout