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SOCRATE

Il est vrai que l’on peut aussi considérer les choses sous ce jour incontestable… Un œil froid la regarderait aisément comme une démente, cette femme bizarrement déracinée, et qui s’arrache incessamment de sa propre forme, tandis que ses membres devenus fous semblent se disputer la terre et les airs ; et que sa tête se renverse, traînant sur le sol une chevelure déliée ; et que l’une de ses jambes est à la place de cette tête ; et que son doigt trace je ne sais quels signes dans la poussière !… Après tout, pourquoi tout ceci ? — Il suffit que l’âme se fixe et se refuse, pour ne plus concevoir que l’étrangeté et le dégoût de cette agitation ridicule… Que si tu le veux, mon âme, tout ceci est absurde !

ÉRYXIMAQUE

Tu peux donc, suivant ton humeur, comprendre, ne pas comprendre ; trouver beau, trouver ridicule, à ton gré ?

SOCRATE

Il faudrait bien qu’il en soit ainsi…

PHÈDRE

Veux-tu dire, cher Socrate, que ta raison considère la danse comme une étrangère, dont elle méprise le langage, et dont les mœurs lui semblent inexplicables, sinon choquantes ; sinon même, tout à fait obscènes ?

ÉRYXIMAQUE

La raison, quelquefois, me semble être la faculté de notre âme de ne rien comprendre à notre corps !

PHÈDRE

Mais moi, Socrate, la contemplation de la danseuse me fait concevoir bien des choses, et bien des rapports de choses, qui, sur-le-champ, se font ma propre pensée, et pensent, en quelque sorte, à la place de Phèdre. Je me trouve des clartés que je n’eusse jamais obtenues de la présence toute seule de mon âme…

Tout à l’heure, par exemple, l’Athikté me paraissait représenter