Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ÉRYXIMAQUE

Toute, elle devient danse, et toute se consacre au mouvement total !

PHÈDRE

Elle semble d’abord, de ses pas pleins d’esprit, effacer de la terre toute fatigue, et toute sottise… Et voici qu’elle se fait une demeure un peu au-dessus des choses, et l’on dirait qu’elle s’arrange un nid dans ses bras blancs… Mais à présent, ne croirait-on pas qu’elle se tisse de ses pieds un tapis indéfinissable de sensations… Elle croise, elle décroise, elle trame la terre avec la durée… Ô le charmant ouvrage, le travail très précieux de ses orteils intelligents qui attaquent, qui esquivent, qui nouent et qui dénouent, qui se pourchassent, qui s’envolent !… Qu’ils sont habiles, qu’ils sont vifs, ces purs ouvriers des délices du temps perdu !… Ces deux pieds babillent entre eux, et se querellent comme des colombes !… Le même point du sol les fait se disputer comme pour un grain !… Ils s’emportent ensemble, et se choquent dans l’air, encore !… Par les Muses, jamais pieds n’ont fait à mes lèvres plus d’envie !

SOCRATE

Voici donc que tes lèvres sont envieuses de la volubilité de ces pieds merveilleux ! Tu aimerais de sentir leurs ailes à tes paroles, et d’orner ce que tu dirais de figures aussi vives que leurs bonds !

PHÈDRE

Moi ?…

ÉRYXIMAQUE

Il ne songeait qu’à becqueter les pédestres tourterelles !… C’est un effet de cette attention passionnée qu’il donne au spectacle de la danse. Quoi de plus naturel, Socrate, quoi de plus ingénuement mystérieux ?… Notre Phèdre est tout ébloui de ces pointes et de ces pirouettes étincelantes qui font le juste orgueil des extrêmes orteils de l’Athikté ; il les dévore de ses yeux émerveillés, il leur tend le visage ; il croit bien de sentir sur ses lèvres courir les agiles onyx ! — Ne t’excuse pas, cher Phèdre, ne sois pas le moins du monde troublé !… Tu n’as rien éprouvé qui ne