Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sombre, l’allure d’un héros de tragédie. Où va-t-il? À l’hôtel du ravisseur ; il sonne, parlemente avec les valets, leur en impose tellement par son attitude sévère, qu’ils le laissent entrer. Un peu troublé comme on pense, le marquis le reçoit dans son cabinet ; ils se saluent gravement, et le vieux grognard, brillant ses vaisseaux, hasarde cette revendication : « Monsieur le marquis, aurai-je au moins mon litre tous les jours ? »

Enfin les petites classes et les marcheuses. Il y a quelque vingt ans, les élèves externes, chaque fois qu’elles jouaient, recevaient un cachet de deux francs, les marcheuses de 30 à 50 francs par mois. C’est ce menu fretin que Nestor Roqueplan baptisa du nom de rats ; d’où la boutade de Mme de Girardin : « Des rats, ces demoiselles qui n’ont déjà plus de cheveux ! Allons donc !… Des chauves-souris, je ne dis pas ! » C’est le printemps de la patrie cabriolante, de la graine d’étoiles ou de premiers sujets, l’espérance des directeurs, des maîtres de danse. Peu de naïveté en général, volonté obstinée, ambition précoce, allures et caractère gavroches, absence relative d’enseignement moral, éducation qui rappelle celle que donne le Neveu de Rameau à son fils, ardeur extrême au travail, voilà, m'assurent les initiés, quelques principaux traits qui distinguent les marcheuses et les petites classes. On me dit aussi que bon nombre de marcheuses n’attendent pas d’être montées aux quadrilles pour casser leur patin. Dans le Ballet de la Neige du Prophète, figure le fameux pas des patins, pas difficile pour lequel ces demoiselles recevaient une gratification exceptionnelle de cinq francs. Nombreuses étaient les demandes, nombreux les remplacements, car, à la moindre faute, la coupable se voyait cassée aux patins et cette expression figurée s’appliqua bientôt aux jeunes personnes qui commettaient une autre erreur.

L'organisation du corps de ballet a peu changé depuis vingt ans. Ce sont toujours des étoiles, des grands et des petits sujets, des coryphées, des quadrilles paraissent sur la scène. D’après les états de situation du ministère, on divise, un peu arbitrairement à mon sens, ce personnel en deux sections : Artistes de la danse, 57 membres ; artistes du ballet, 49 membres ; dans ces sections ne sont pas comprises les petites classes, mais naturellement figurent les vingt-quatre danseurs.