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COULEUR DU TEMPS

elle gagne le nord. Quelle joie alors pour la pauvre girouette ; elle a vaincu la peine qui la crispait, elle voit du bleu, elle montre enfin le dos aux nuages gris. Qu’elle va bien se tenir ! Elle rassemble ses forces, elle s’attache à quelque joli point de vue qui l’occupera, la fascinera, l’empêchera de retourner sous l’emprise du vent méchant. Mais, ô faiblesse de la girouette qui veut être brave, ô faiblesse extrême ! Passe, devant elle une plume, moins qu’une plume, une aile de papillon noir, ou moins encore, une poussière charbonneuse et la girouette la suit, vire brusquement. La voilà qui regarde l’orage, qui craint l’orage, qui se plaît à en souffrir d’avance.

Folle girouette ! À d’autres jours, quand le vent n’est ni trop bon, ni trop mauvais, elle oscille de l’un à l’autre. Il faut la voir trembler d’allégresse pour un rayon de soleil un peu plus vif, une brise douce, un parfum, un nuage léger. Mais, hélas ! il faut la voir aussi s’immobiliser tout à coup, parce qu’ayant tourné dans un saut irréfléchi sa pointe vers le sud, elle a vu passer un oiseau blessé, ou entendu monter jusqu’à elle un bruit de querelle ou une plainte.

Folle girouette ! Pauvre petite girouette ; girouette trop mobile, trop sensible, trop faible qu’est cet esprit qui préside à ma bonne ou triste