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Morale prosaïque


J’imagine que c’est près d’une fenêtre. Le soleil joue dans les rideaux, et puis, sur la tête brune d’une jeune fille qui brode, attentive et penchée. J’imagine qu’un sourire passe sur ses lèvres ; dans le jour, au soleil, l’aiguille est un petit instrument de rêve heureux. Alors, absorbée par ses songes profonds ou légers, la jeune fille n’entend pas entrer sa grand’mère.

Elle lève tout à coup les yeux et va dire : bonjour ; une voix taquine la devance et s’écrie : « Ah ! enfin, tu brodes ton trousseau. »

Le sourire se fige en moue. La jeune fille s’exclame : « Non, ce n’est pas ça, vous savez bien que ce n’est pas ça ! » Elle veut se défendre, mais, mon Dieu, qu’une vieille femme garde parfois de vivacité ! Sans que la jeune fille puisse placer un mot, la grand’mère continue : « Allons, pour lequel ? Est-ce pour Jacques ? Ou est-ce pour celui que j’ai rencontré l’autre jour et qui parlait tant, tant ? » La jeune fille rougit malgré elle, et reprend, un peu impatiente : « Je vous dis qu’il n’y a rien, qu’il n’y a rien. Ni l’un, ni l’autre, vous savez bien. Et puis, je n’y pense pas ! Et puis, ils n’ont point demandé