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COULEUR DU TEMPS

Une semaine, deux semaines, vous y pensez sans cesse. Puis, graduellement vos regrets s’atténuent, d’autres visages vous attirent, et les intérêts chaque jour variés de votre vie endorment l’affection que vous aviez pour cet absent.

C’est ainsi toujours : on ne peut pas garder autour de soi et cultiver toutes les fleurs d’amitié qui s’ouvrent et s’épanouissent sur la grand’route de la vie. À mesure que l’on marche, on abandonne les bouquets déjà respirés pour se pencher vers des fleurs plus fraîches, vers des yeux nouveaux.

C’est ainsi toujours. Pourquoi le bon Dieu nous a-t-il fait des cœurs-papillons qui lutinent partout et oublient invariablement ? Pourquoi sommes-nous changeants ?

Pourquoi ?… Peut-être pour que nous aimions la vie sans nous reposer sur le bonheur qu’elle nous offre ? Peut-être pour que la détresse qui nous prend en face de nos cœurs versatiles, nous ramène à Lui, à Lui qui est stable, à Lui qui est l’éternité, à Lui qui, dans cet avenir mystérieux de l’autre monde, ressuscitera sans doute toutes les fleurs d’amitié que nous aurons égarées ou perdues sur la terre.

Et peut-être aussi pour nous faire apprécier davantage les rares sentiments qui demeurent… qui restent vivaces à travers tous les événements.