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Le portrait


Dans un médaillon d’acajou, je viens d’encadrer la photographie ancienne. C’est une tête de jeune femme, un peu pâlie, aux tons bruns légers, d’une nuance sans doute atténuée par les années.

Les années ! Il en est passé beaucoup sur le monde depuis que cette jeune femme fut ainsi, et il y a probablement presque un demi-siècle qu’elle posa pour cette image. À ses oreilles, que les cheveux relevés ne cachent pas, elle a de lourdes boucles qui me paraissent tout un bouquet de marguerites, d’argent ciselé ou d’émail. Pour fermer le rabat de dentelle qui entoure son cou, les mêmes marguerites, sur une broche, sont répétées. La blouse est unie, les épaules un peu tombantes. Le visage est doux et joli. Les yeux sont grands, d’une gravité précoce, mais la bouche dut être une véritable fleur, et malicieuse, elle se relève d’un coin ; on devine que le sourire fut toujours proche sur ces lèvres fines. La tête est couronnée par une natte de cheveux au-dessus du front laissé nu.

Elle était jolie, elle devait être heureuse ; elle attendait alors l’inconnu de la vie, comme je