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COULEUR DU TEMPS

brables fenêtres. Puis, de place en place, les quais sont encore rétrécis par des pyramides de charbon, ou de sable — où les gamins jouent avec joie ; — ou encore par des bouées énormes et rouges qui, renversées, attendent leur destinée.

Si embarrassés qu’ils soient, les quais, quand le soleil descend et que dans le port l’agitation a cessé ; quand, de l’autre côté du Richelieu, les grandes dragues sommeillent, avec leur veilleuse suspendue très haut comme une étoile ; quand sur les barges ou les remorqueurs, les équipages se reposent ; quand les hommes sur les ponts fument tranquillement la pipe, leurs profils se découpant nets et tranchés sur le fond de ciel ; quand l’odeur de l’eau nous arrive forte et l’air du large frais et pur, les quais sont une promenade poétique et belle, et le soir tombe sur eux avec une majesté grave qui vous saisit.

Lorsqu’ensuite le soleil n’est plus là et que peu à peu l’eau noircit, faites le tour de la maison aux signaux, de la petite maison blanche qui domine le fleuve, et revenez par la route qui derrière les quais contourne le bassin, le bassin où une multitude de petits yachts blancs se balancent, le bassin qu’une file de jeunes peupliers entoure et que gardent trois petits phares. La brise fait chanter les feuilles des arbres ; les lumières des phares, l’une suivant l’autre, étin-