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AUTOUR DE LA MAISON

ça la roue ne tournerait pas. Les filles ne connaissent rien ! » Le vent souffla un peu fort, les arbres qui bordaient le chemin craquèrent. Je frissonnais. Toto n’était pas trop brave non plus ; mais un homme ne doit pas paraître avoir peur ! D’ailleurs, nous arrivions, et bientôt le moulin nous apparut.

Il se dressait au milieu des grands bras noirs des arbres dépouillés, tout en fer, très haut, sans grâce, effrayant pour des enfants ! Il ne ressemblait pas à celui de Toto, et il n’y avait ni sac de fleur, ni homme. À côté, se trouvait une petite maison rouge, hermétiquement close, laide, l’air revêche et triste. Le ciel était devenu gris, presque noir ; la neige tombait toujours, nous avions froid. La route était déserte et apeurante avec ses arbres décharnés, son grand moulin bête, son sol où la neige s’épaississait. Nous n’échangeâmes pas nos impressions. La déception fut trop forte, la peur nous tenait déjà, nous éclatâmes en sanglots. Le plaisir était fini. Une bonne femme, qui s’en allait faire sa prière du soir à l’église, passa et nous ramena chez nous…

Les désillusions que nous éprouvons, petits enfants, s’oublient rarement. Elles laissent en nous leur empreinte. Est-ce depuis mon excursion au moulin à vent ? mais j’ai toujours peur des gaietés sans causes définies, des joies