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AUTOUR DE LA MAISON

Pour tout l’or du monde, on n’eût pas donné ce frisson et cette image-là. On ne lisait jamais le reste du conte où l’aventurier s’éveillait dans son lit après ce beau et mauvais rêve ! On aimait mille fois mieux rester sous l’impression forte d’une peur qui nous coupait la respiration et traversait tout notre être…

Et, presque chaque soir, à la clarté douce de la lampe, on relisait ce conte toujours nouveau, toujours beau. Il était le préféré de tous, et depuis plus de dix ans que je n’en ai pas revu les images, je les ai encore toutes présentes à l’esprit, tant j’en savais par cœur les moindres détails. Rien ne nous charmait autant que les histoires féroces et les moments dangereux. Pourquoi ? Partagions-nous alors le goût de l’esprit villageois, qui s’applique à faire circuler des histoires et des drames, embellis de circonstances tragiques et imaginaires ? ou, comme tous les petits enfants, aimions-nous simplement les frayeurs chimériques ?

Un jour, après la classe, j’étais allée jouer chez Berthe, la grande blonde qui aimait les peurs, vous savez ? Je me rappelle que sa sœur aînée était venue me raconter qu’un fou courait le village, avec un grand couteau et cherchait à égorger les petits enfants. Aujourd’hui, je me demande dans quelle inten-