Page:LeNormand - Autour de la maison, 1916.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
AUTOUR DE LA MAISON

roses, les cheveux ébouriffés, les vêtements garnis de feuilles d’érables rouges et jaunes, qui s’attachaient aux étoffes laineuses des manteaux d’automne !

Parfois, un passant nous criait : « Vous allez vous casser le cou, ou les jambes ! Vous n’avez pas peur ? »

Peur ? Allons donc ! et l’on redoublait d’ardeur, et l’on se jetait avec plus de violence, plus d’élan, dans le lit de feuilles, qui se foulait peu à peu.

Quand il était trop « tapé », on remettait le jeu au lendemain, espérant que le vent détacherait des arbres les dernières victimes…, et la charrette, le lendemain, refaisait le tour du jardin, de la cour, du parterre, ramassait de nouveau des « voyages de foin », et le lit de feuilles redevenait léger, mou, et l’on sautait encore.

Au bout d’une semaine, toutes les feuilles étaient brunes et sèches comme du tabac. Pierre et Toto se roulaient des cigarettes qu’ils fumaient en cachette. Marie et moi, nous revenions à nos poupées.

Nous n’étions pas tristes. Nous racontions à nos « petites » que la neige s’en venait, qu’on mettrait des lices à leur carrosse et qu’on les traînerait sur le trottoir. On les emmaillotait comme des bébés de chair, on les berçait