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AUTOUR DE LA MAISON

XIII


Tante Estelle disait d’une voix douce, un peu attristée : « Déjà l’automne ! » La bonne Julie criait sur tous les tons : « Que c’est donc d’valeur, grand Dieu, vlà l’automne ! » Lorsqu’on passait par les petites rues du village, on entendait les bonnes femmes qui disaient entre elles, en balayant leurs perrons : « Vlà l’automne, vlà l’automne ! Il va falloir se renfermer. »

Nous écoutions, d’une oreille distraite, tous ces regrets. Il n’y avait vraiment rien de triste. Le ciel était presque toujours d’un beau bleu clair, où se promenaient des nuages blancs et gris, qui marchaient vite sous le vent. Maman nous faisait mettre nos manteaux et nos « tourmalines » pour jouer dehors. On courait longtemps sans avoir chaud. Je me rappelle que j’avais des ardeurs inexplicables, dans mon âme de petite fille, et une joie de vivre qui m’excitait. Je me souviens d’avoir couru, tout un après-midi, autour du couvent de la Providence, en sautant sur un pied, puis sur l’autre, le plus haut possible, essayant d’arracher des feuilles aux branches, riant au vent qui rejetait dans mon dos ma petite tourmaline. J’étais fière, j’étais folle, j’étais heureuse ! J’avais tout en moi, je ne