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AUTOUR DE LA MAISON

asseoir sur la clôture, au bord de l’eau. Le grand vent n’avait rien fait à la petite rivière. Elle coulait calme, claire sous le soleil, et jolie avec ses rives bordées de saules et de framboisiers. Elle faisait une courbe que la rue suivait et, comme on la voyait de chez nous, elle tournait en cercle d’argent, uni, lumineux. C’était la paix toute pure, notre petite rivière, la paix qui s’en allait se perdre on ne sait où, qui s’en allait peut-être retrouver les nuages roses que le soleil laissait au ciel quand il se couchait ? Et l’on regardait la rivière qui était belle, qui était la même chaque jour, qui s’en allait, mais qui restait toujours.

Ce n’était pas comme les vieux érables « qui s’en vont ». Si l’on se retournait, on avait un peu de peine maintenant, en regardant au coin de la cour l’arbre qui n’avait plus tous ses bras. Qui sait ? La rivière avait sans doute du chagrin des malheurs de notre érable, son voisin.

Elle devait ainsi souffrir de toutes les tristesses qui passaient autour d’elle. Mais elle était comme une âme courageuse et paisible, qui marche avec sérénité et confiance, malgré les choses qui blessent, vers un but infini et éternel, vers le pays d’or où reste le bon Dieu !