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AUTOUR DE LA MAISON

scandant toutes les syllabes : « Trois fois passera, — la dernière, la dernière, trois fois passera, la dernière y restera ! » Les moyennes sautaient par-dessus une corde tendue, qu’elles élevaient un peu, chaque fois que toutes l’avaient passée avec succès. Gabrielle était là. J’arrivai en courant, je me mis à la suite des autres et, à mon tour, je sautai.

Mais j’étais trop petite et la corde trop haute. Je m’accrochai, je tombai, mon nez saigna. Quelques-unes dirent : « C’est bon pour elle, elle avait beau ne pas venir se mettre avec les plus grandes. Ça lui apprendra ! » Mais Gabrielle me défendit et s’indigna : « Vous n’avez pas honte ! Ce n’est pas sa faute, si elle est tombée. Elle est fine, Michelle, et je l’aime ; elle jouera encore avec nous ! » Et elle abandonna le jeu, m’amena doucement sur un banc, me fit tenir la tête en arrière pour arrêter le sang, me consola, m’embrassa …

Je ne l’ai pas revue souvent après cela. Elle était si avancée au couvent ! Mais je l’aimai de tout mon cœur. Quand je la rencontrais, je me contentais de lui dire bonjour et de lui sourire. Je devenais muette devant elle ; je me sauvais parfois !

L’hiver venu, elle fut très malade. Moi aussi. Les fièvres couraient. Elle fut con-