Page:LeNormand - Autour de la maison, 1916.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
AUTOUR DE LA MAISON

lâchèrent avec la même désinvolture que si j’eusse été vraiment un beau fruit insensible ! Je n’étais pas remise du choc, qu’ils grimpaient déjà à la clôture du jardin. Figurez-vous que Toto avait une flamme pour une blonde petite Américaine, et que Pierre en avait plusieurs, pour toutes les « filles » et même pour les religieuses ! Une fois juchés, ils se mirent à lancer des lilas aux fillettes, qui brisèrent les rangs pour les ramasser, sans attendre la permission de leur maîtresse. Les fleurs pleuvaient, les petites filles s’exclamaient, sautaient, riaient, mettaient leur nez dans les grappes, les mordaient. Toto et Pierre faisaient des phrases, les diables de petits hommes, et ils eussent dépouillé tout l’arbre si Mère S.-Anastasie n’eût donné l’ordre de reformer les rangs et de reprendre la marche !

* * *

Toto, Pierre, Marie, moi, inséparable communauté de jeux, dans ce même décor d’une rue du village longeant la rivière, devant cette vieille maison de mortier, à galerie blanche, où tant de chansons furent chantées ! Ah ! vous en avez tous vu des maisons pareilles, basses, flanquées de chaque côté de larges cheminées, le toit long garni de lucarnes ? L’avez-vous vue celle-là, avec son parterre