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AUTOUR DE LA MAISON

XXXVII


Toute la semaine qui précédait le poisson d’avril, nous y avions pensé, et le matin même, avant la classe, en déjeûnant de chaudes crêpes, si Julie nous demandait : « Avez-vous vu la morue que votre père a apportée pour le dîner ? Je vous assure qu’elle nage dans le quart aux dégouttières ! » — elle n’avait pas fini sa phrase que, bêtement, nous bousculant, nous courions vers la cour. Sous la dale de la cuisine, il y avait un énorme baril noirci par le temps, les pluies et les neiges, qui recevait l’eau du ciel. Comme il était plus haut que nous, pour voir à l’intérieur, il nous fallait monter sur une vieille chaise sans dossier, qui restait là à cœur d’année. Avec quelle précipitation nous sautions sur ce banc, nous poussant des coudes pour avoir la plus large place ! et nous nous penchions sur l’eau dormante du quart où nos figures seules se reflétaient dans des morceaux du ciel qui s’y miraient. Julie, de la fenêtre, nous regardait en riant aux éclats, et elle nous criait : « Poisson d’avril ! »

Naturellement, nous retournions furieux à notre déjeûner, et nous méditions un tour pour lui remettre sa malice. Le malheur, c’est que les grandes personnes sont moins