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AUTOUR DE LA MAISON

érables ! Comment résister à la tentation ? Les petites filles qui, « chez eux », n’avaient pas d’eau d’érable se servaient vitement, à même les chaudières. Oh ! pas « aux yeux » des maisons, mais à l’abri des clôtures ! Mère S.-Anastasie avait eu beau faire épeler l’histoire de « Dieu nous voit », dans notre livre de lecture, les petites filles n’avaient pas le temps de réfléchir ! ou bien elles se disaient que boire de l’eau d’érable à la face du ciel, ce n’était pas voler !

Les rues avaient une vie nouvelle, quand les érables coulaient. En file, le long des trottoirs, les arbres étalaient fièrement leurs chaudières claires : dans les parterres, c’était le même ornement qui se répétait, et les ormes avaient des airs piteux à côté des érables qui fêtaient déjà le vrai printemps fleuri et chaud…

Et avoir des érables dans son jardin ou à sa porte, cela méritait considération, et l’on s’obstinait entre enfants : « Chez nous, on n’a deux de plus que chez vous, et ils coulent bien plus ! »

Les petites filles d’« habitant » avaient la suprématie sur nous en ce temps-là, parce qu’elles pouvaient parler de leur sucrerie, et qu’elles manqueraient la classe quand ce serait les sucres !