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AUTOUR DE LA MAISON

ressais les dentelles de la poupée blonde. Je relevais la robe pour manier la lingerie fine et complète, puis je mis le bébé debout afin de voir ses yeux grands ouverts. Une jambe glissa de la culotte de broderie, et je restai muette, atterrée ! Que faire ? Je recouchai sur mes genoux la pauvre poupée, je replaçai sa jambe, et j’attendis…

Mais j’étouffais de chagrin, et j’éprouvai en petit les sentiments qu’on doit ressentir en voyant estropier un frêle enfant qui est à soi ! Mes joues rougirent, et quand Marie vint prendre la poupée sur mes genoux et que la jambe tomba, j’avais une si piteuse mine qu’on pensa que je l’avais cassée par ma faute, en la remuant trop durement !

Pourtant, c’était bien toute seule qu’elle était devenue infirme, par un caprice de l’élastique et de la broche qui composaient son squelette ! J’allai me blottir dans l’embrasure de la fenêtre devant le jardin de neige, triste sous le ciel nuageux, et je pleurai follement, à gros sanglots. On eut beau me dire : « Ça ne fait rien, console-toi », mes larmes coulèrent comme pour un irréparable malheur. J’avais tant de peine de voir finir dans mes bras les beaux jours de cette blonde poupée, et de songer que je passais pour une coupable, moi qui l’avais bercée avec une précaution infinie et une adoration silencieuse !