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AUTOUR DE LA MAISON

dormir des heures la tête sur son corps, il ne nous faisait jamais mal, nous défendait contre tous, et puis, l’hiver, attelé, chaque jour il nous attendait à la porte de l’école ! Quand nous allions nous promener, à notre retour, il ne finissait plus de nous témoigner sa joie, en nous léchant les mains, en gambadant, en s’étendant à nos pieds, ses grands yeux fidèles fixés sur nous avec une vraie tendresse humaine ! Il nous aimait, Zoulou ! Il était de la famille ! Il avait l’air de comprendre nos chagrins d’enfant, comme il comprenait nos joies… en nous sautant sur les épaules ! On le sentait si dévoué, si fier, quand nos petits bras entouraient son gros cou et que sa bonne tête s’appuyait sur la nôtre ! Il jouait à nos jeux, faisait tout ce qu’on lui demandait, il était à nous, il avait toujours été notre compagnon, toujours ! et maintenant il était mort, mort à jamais !

Le soir, ce fut une veillée funèbre. On se balançait dans le hamac, mais on ne chantait pas, on ne riait pas. On ne pleurait pas non plus. Le cœur serré, étreint par la peine de cette première mort qui nous touchait, nous étions muets, Toto et moi. Nous regardions sans voir le paysage et le soir qui tombait. Dans nos regards restait l’image d’un soleil lumineux qui éclairait la chère fourrure jaune de Zoulou, taché de sang, les yeux clos.