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abattu pas moins de six lions, deux tigres et une gazelle, une soirée, au clair de la lune, en Afrique.

Jules me dit : « Baron, vous êtes un véritable Nemrod ; levez la peau de cette gazelle, elle est à vous ; elle vous fera un capot superbe. »

Cette histoire de tant de lions, de tigres, etc., tirés au clair de la lune, tout comme on tue des lièvres l’hiver, m’agaçait les nerfs ; une histoire n’attendait pas l’autre, le baron savait tout, avait tout vu. Ses gasconnades comme je vous l’ai dit, m’ennuyaient fort.

Il te reste encore quelque chose à apprendre, mon cher baron, me suis-je dit, ou bien le diable s’en mêlera !

Un jour que je chassais avec lui, près de la côte à Bonhomme, à Lorette, il me demanda si j’avais jamais tué des carcajous.

— J’en ai pris un au piège, lui dis-je, après des peines infinies.

— De combien de verges en longueur était sa queue, demanda-t-il ?

— Une demie verge au plus, lui ai-je répondu.

— Ignorant, que vous êtes, le baron riposta ! Vous ne savez donc pas que le carcajou du Canada a la queue si longue, qu’elle lui sert de suspensoir quand il guette au dessus de la cataracte de Niagara, pour saisir au passage les cadavres des élans et des ours entraînés dans la chute.[1]

— En voilà une bonne, m’écriai-je !  !  !

— C’est un des plus grands écrivains de la France qui le dit, ajouta-t-il.

  1. Voici le texte de l’illustre auteur du Génie du Christianisme : « Des aigles entraînés par le courant d’air, descendent en tournoyant au fond du gouffre, et des carcajous se suspendent par leur longues queues au bout d’une branche abaissée pour saisir dans l’abîme les cadavres brisés des élans et des ours. » — Chateaubriand.