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PICOUNOC LE MAUDIT.

retomba sur lui-même. Au dehors nul ne l’entendit. Une espèce de fureur s’empara peu à peu de ses esprits, et il sentit ses muscles se roidir sous la peau cuivrée de ses bras et de ses jambes. Une sueur froide vint mouiller ses tempes, et il se rua avec plus d’acharnement sur la pierre implacable. Le sang jaillit de ses doigts déchirés, mais la porte maudite ne céda point. Alors, sombre, découragé, il regagna le fond de l’antre. Le rayon pâle qui venait du dehors éclairait toujours la pauvre croix. Il se mit à genoux et, de ses bras palpitants, il entoura le signe du salut. Sa pensée évoqua le souvenir de son ami ; des larmes amères coulèrent sur ses joues : Ô mon ami, je vais reposer avec toi, s’écria-t-il, et nos cendres vont se confondre dans la mort. Il pria longtemps : il voulait mourir en priant. Il regrettait bien d’avoir laissé dans le canot sa corne de poudre… La poudre a tant de force… Il passa tout un jour dans ces transes mortelles, puis il s’endormit. Le sommeil au pied de la croix est paisible : le grand-trappeur eut quelques heures d’un repos fortifiant. Son esprit s’échappa du sombre tombeau qui emprisonnait son corps, et,