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PICOUNOC LE MAUDIT.

Elle fut inébranlable et dénonça à son futur les intentions du jongleur. Celui-ci, irrité de se voir éconduit de la sorte, jura de se venger. Il tint parole et sa vengeance fut terrible. Il apprit du démon l’art de se faire aimer d’un amour coupable. Sous prétexte de demander pardon à la femme chrétienne qu’il avait outragée par ses infâmes propositions, il rentre dans sa cabane, et prononce des paroles hypocrites. Puis il fixe sur Satalia — c’est le nom de la femme — un regard long, perçant, plein de feu,… un de ces regards qui font tressaillir ou trembler. Satalia sentit ce regard fouiller au fond de son cœur comme le tisonnier fouille les cendres pour en faire jaillir le feu. Elle n’en fut point effrayée, car une sensation nouvelle et ravissante se réveillait en même temps. Le jongleur partit. Satalia s’assit pensive la tête dans ses mains ; puis elle se mit à prier, mais avec tiédeur et distraction, car l’image du jongleur passait et repassait de plus en plus séduisante devant ses yeux. Une douce chaleur monta de son cœur à son visage et ses regards prirent un éclat radieux. Elle se leva, saisit un long couteau, jeta autour d’elle un coup d’œil vague et craintif, puis elle