On dirait que le monde est un vaste tombeau,
Car tout meurt, et le jour de son pâle flambeau
N’éclaire que des deuils. Fleurs et feuilles fanées
S’en vont on ne sait où, comme vont nos années !
Plus de gerbes de flamme au sommet des rochers.
Sous le voile du soir pleurent nos blancs clochers.
Tout se lamente. Au loin, c’est la vague qui brise,
Les affres de l’été qui meurt, la froide bise
Qui chasse les oiseaux en morne défilé.
Le nid vide ressemble au toit de l’exilé.
L’oiseau reviendra-t-il sur la branche flétrie,
Et le pauvre exilé, dans sa chère patrie ?
Nul ne sait, car partout le cœur laisse un lambeau.
Suivons la foule. Allons, mon fils, au cimetière.
Ta créature, ô Dieu ! ne meurt pas tout entière ;
Ton œuvre est éternelle, et tu ne détruis rien.
Quand ton Verbe créa tu dis que c’était bien.
Nos corps dans leurs tombeaux se changent en atomes.
Ils ne se traînent plus comme de vains fantômes,
Mais ils vont, déliés, invisibles, subtils,
Ils vont dans l’herbe molle et dans l’or des pistils,
Dans l’arbre aux verts rameaux qui nous prête son ombre
Dans les fleurs que partout l’été sème sans nombre.