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l’affaire sougraine

rant, le Croyait sur parole. Il exploita les préjugés et le peuple jaloux lui trouva du bon sens. Il était pauvre, il devait être supporté par la classe pauvre. C’est juste, disait-on. Les riches ont les riches pour eux. Il connaissait les misères de l’ouvrier, lui, et serait en état d’y apporter remède. Nul plus que lui n’était déshérité, puisqu’il n’avait pas même de parents. Il en avait emprunté pour naître. Il ne rougissait pas de son origine et se vantait de remonter, à Adam, comme tous les autres hommes, mais par un chemin détourné. On trouvait cela fort original. Il avait passé par le séminaire, fait plus de pensums que de versions et lu plus de nouvelles que d’histoire. Il est vrai que l’histoire n’est, souvent qu’un roman. Il sortit en troisième pour étudier le droit, et donna pour payer ses cours, des leçons de grammaire, de latin, de grec et d’anglais. Des choses qu’il ignorait la veille, et qu’il apprenait à la hâte pour l’occasion. Il se faufila dans les assemblées publiques, se hissa sur l’estrade et se mit à pratiquer l’éloquence à quatre sous. Il devint habile, se fit un cliché de phrases et de maximes sonores et vagues qui pouvaient être dites en tout temps, en tous lieux et en toutes occasions. Il proclama sans cesse son amour de la patrie,