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l’affaire sougraine

Elmire — c’était le nom de cette jeune personne — pencha la tête sur sa poitrine et resta longtemps absorbée dans un rêve douloureux.

Les dernières lueurs du jour s’éteignirent peu à peu, les ombres s’étendirent comme des voiles de deuil sur les champs infinis et le sommeil vint fermer les yeux des fugitifs.

Au milieu de la nuit ils furent éveillés par un bruit semblable au grondement du tonnerre. C’était le feu qui dévorait la prairie. Le vent soufflait et les torrents de flamme, roulant comme des vagues en fureur, se précipitaient vers eux. Des tourbillons d’aigrettes ardentes, formées des grappes de foin, s’élançaient de tous côtés, et la raffale les semait pour allumer de nouveaux incendies.

Le torrent poussait plus vite ses deux extrémités comme pour former un cercle implacable autour des malheureux. La clameur, sourde d’abord, devenait éclatante, le sol tremblait, l’air était brûlant et des panaches de fumée noire montaient vers le ciel.

L’indien et sa compagne, pris de terreur, se mirent à fuir devant le fléau.

De temps en temps ils tournaient la tête pour voir si le danger grandissait. La peur leur donna