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l’affaire sougraine

De temps en temps la jeune fille pleurait et, du revers de sa main, elle essuyait les larmes du chagrin qui se mêlaient aux sueurs de la fatigue.

Elle pouvait être l’enfant de cet homme qu’elle accompagnait, mais la blancheur de son teint, l’éclat de son œil bleu, la régularité de ses traits, disaient qu’elle n’était pas indienne. D’où venait-elle et pourquoi si jeune et tout étrangère aux coutumes et au langage de l’habitant des bois, avait-elle laissé sa famille et son village pour suivre les pas de ce chasseur ? Il n’était point beau. Son visage plat et sans barbe, sa bouche largement fendue, sa peau cuivrée, ses cheveux rudes qui tombaient en mèches inégales, n’en pouvaient faire un séducteur bien redoutable. Avait-il, par force ou par ruse, ravi cette fille à ses parents ? Avait-elle volontairement déserté le toit paternel pour vivre la licencieuse existence sauvage ? Il était bien coupable ou elle était bien perverse.

Le soleil semblait toucher déjà l’une des cimes éloignées, et lui faire un nimbe d’or. Ses reflets moins chauds glissaient obliquement sur les flots de verdure qu’agitait le souffle du soir. La prairie rayonnait comme une mer profonde où n’apparaît aucune voile. Pas un bruit, pas un chant, pas une