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l’affaire sougraine

s’arrêter en si beau chemin ; la fortune allait devenir son esclave. Il se le promettait. La chance grise comme la déveine, et fait faire les mêmes folies :

Le notaire paraissait d’une gaieté folle depuis quelques jours. Il fredonnait, chantait presque sans cesse dans son étude ordinairement si calme. Il serrait la main à ses clients, leur racontait des anecdotes pour les faire rire, les laissait sortir sans les faire payer plus que de raison. Et puis, par moments il s’arrêtait, la figure enflammé, l’œil ardent, la bouche entr’ouverte voluptueusement. Il voyait quelque chose de divin, que personne ne pouvait deviner. Une forme svelte, gracieuse, pleine d’amoureuses provocations, se balançait dans un rayon de lumière devant lui, comme une feuille de rose sur le souffle qu’elle parfume. Il voyait Léontine.

Qui l’empêcherait d’être à lui, maintenant ? La Longue chevelure n’était plus à craindre ; le jeune ministre jouait le rôle d’un ennemi, presque d’un persécuteur ; le médecin Rodolphe ne serait pas de force à lutter, le voulut-il ; mais il n’oserait pas, ce jeune homme sans fortune, affronter le scandale et se marier avec une fille élevée par une