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l’affaire sougraine

C’est mal, pourtant ce que je fais-là, pensait-il, mais il ne pouvait s’empêcher de marcher. Et le cadavre suivait, glissant avec son bruit mât sur la grève rocailleuse. Il l’attacha à l’arrière de son canot et se mit à ramer avec ardeur, se hâtant d’achever cette horrible tâche. Derrière le canot, le cadavre roulait et creusait un sillage lugubre qui s’effaçait bientôt. Au milieu du fleuve il détacha la corde et la morte descendit lentement, creusant la vague qui se referma bientôt sur elle comme le couvercle d’un tombeau. Il reprit sa rame. Alors une pensée, comme une lame aiguë, traversa son esprit.

— Ma ceinture !… Malheur !

Il venait de comprendre les suites terribles que pouvaient avoir cet oubli… Il était trop tard. Il n’y avait plus qu’à attendre le hasard des événements, la sagesse des hommes ou la justice de Dieu. Il fut longtemps plein de tristesse et puis, afin d’éviter les dangers d’une accusation redoutable dont il serait toujours difficile de se laver, il s’en alla vers des régions lointaines.

Il eut tort de ne pas avouer franchement les causes de la mort de sa femme et les circonstances dont elle fut environnée. La franchise est encore