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l’affaire sougraine

— C’est beau de l’or, c’est commode de l’argent, répondit Sougraine, lentement, scandant chaque mot, mais l’indien aime mieux sa tête… Et toi ?

Madame D’Aucheron eut un frémissement. Non ! elle le voyait bien, il n’y avait pas à lutter. Ce serait l’écrasement du ver par le talon. La richesse, c’est une belle chose, mais l’honneur, mais la vie, ce sont des biens qui ne se paient ni ne se remplacent. La fortune perdue se retrouve quelquefois, l’honneur, la vie, jamais !…

Cependant ce mot lugubre : ruiné ! ruiné ! tintait à ses oreilles comme un glas des morts. Cela voulait dire : plus de demeure somptueuse, plus de vêtements magnifiques, plus de brillants équipages, plus de serviteurs ! Ruinés, les D’Aucheron, ruinés ! Comme leurs amis en feraient des gorges chaudes ! Ce sont toujours les amis qui s’amusent le plus de nos infortunes. Quand ils passeraient à pied sur les trottoirs, eux les D’Aucheron, ils se feraient éclabousser à leur tour. On ne se rangerait plus pour les laisser passer. On n’écrirait plus leur nom avec une apostrophe et un grand A. Et puis comment expliquerait-on leur éclat d’un jour suivi d’une aussi horrible obscurité ?… Voilà donc comme vont les choses