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l’affaire sougraine

ses enfants… C’est comme si tu étais ma propre fille… Je t’aime autant…

Léontine, la tête appuyée sur sa mère, était navrée par l’émotion. Elle se releva subitement, à cette dernière parole, et son regard interrogea madame D’Aucheron qui ne comprit pas.

— Ma mère rougit de moi, pensa-t-elle, et j’irais dire à un homme : prends moi pour ta femme, je suis digne de toi !… jamais ! oh ! jamais ! La honte de ma naissance sera le châtiment de celui qui m’achète…

Elle alla plus tard, comme elle l’avait dit, épancher son cœur dans le sein de son directeur. Elle avait besoin de s’appuyer sur quelqu’un pour marcher dans cette voie douloureuse où elle venait d’entrer. L’étonnement du prêtre fut grand ; grande aussi fut son admiration pour le dévouement sublime de l’enfant. Cependant il ne trouva pas qu’il y avait lieu de se hâter d’accomplir le sacrifice. On pouvait temporiser. Le danger ne semblait pas imminent. Que d’incidents pouvaient surgir et modifier la situation. Puis il fallait toujours espérer en Dieu, même contre toute espérance. C’est quand les hommes de bonne foi ont perdu leur voie et se sont égarés dans des ténèbres