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l’affaire sougraine

remarqua peu son absence. Cependant elle était plus gaie que d’ordinaire et elle s’applaudissait de l’heureuse idée qu’elle avait eue. M. D’Aucheron n’avait pas seul le monopole des idées heureuses. Pourquoi n’avoir pas pensé à cela plus tôt ? Que de persécutions et de soucis elle se serait exemptés !… Sougraine aurait été son esclave au lieu de se faire son tyran ! Il ne lui demanderait plus d’argent, maintenant, pour garder l’horrible secret. Il ne voudrait jamais rien faire qui put troubler la douce quiétude de son enfant… Son enfant !

Léontine venait de prendre aux pieds du Christ l’héroïque résolution de s’offrir en victime pour le salut de sa mère. Elle avait besoin du secours de la Foi pour ne pas faiblir. Ce qui l’effrayait surtout, c’était la pensée que Rodolphe, atteint dans ses affections les plus pures, déçu dans ses plus chères espérances, finirait peut-être par la mépriser. Il ne saurait pas, lui, les motifs impérieux et sacrés qui la faisaient agir ; il ne les saurait jamais. Elle en mourrait probablement. On meurt de chagrin ; les peines de l’âme minent et détruisent le corps. On dit : une maladie de langueur emporte cette jeune fille, cette jeune femme ; oui, mais cette langueur est née de quelque grande douleur.