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l’affaire sougraine

d’hui un nouveau rêve hantait son esprit. Il se sentait dominer par une mystérieuse puissance, il y avait un envahissement de tout son être par une passion étrange, et il eût voulu s’endormir dans cet enivrement des sens. Il redoutait le réveil. L’image de mademoiselle D’Aucheron passait et repassait sans cesse devant ses yeux fermés. On voit mieux sa pensée quand on ferme les yeux. On dirait qu’on regarde en dedans.

Il n’était pourtant pas sans inquiétude, le gros notaire, et plus il devenait amoureux plus il avait peur de ne pouvoir saisir l’objet de ses désirs. Le ministre était un rival formidable. D’Aucheron le laissait bien voir. Il était jeune, élégant galant, sur la voie de la fortune, arrivé aux honneurs. Rodolphe, l’autre rival, serait moins difficile à supplanter. Il ne le redoutait guère, celui-là. Il comptait un peu sur la chance et jouait en aveugle. Il ne faudrait cependant pas tarder longtemps à se mettre sur les rangs ; il ne fallait pas non plus brusquer une déclaration. N’importe le moyen, il l’aurait cette belle jeune fille. Il sentait maintenant un vide énorme dans son existence. Il ne s’était jamais vu seul comme cela. Oh ! comme il l’aimerait, comme il la traiterait avec bonté ! Il aurait du plaisir à satisfaire