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l’affaire sougraine

Les canadiens, tirés violemment de leur sommeil, s’élancèrent dehors, la rage au cœur et décidés à vendre cher leur vie. Un silence profond s’étendait de nouveau sous les bois. Ce calme effrayant les épouvantait plus que les cris et les menaces. Ils ne savaient pas où se cachait leur traître ennemi et ne pouvaient ni l’attaquer ni s’en défendre. Horrible position ! Se sentir capable de lutter et ne pouvoir détourner le bras qui nous menace ! attendre le coup fatal et comprendre l’impossibilité de l’éviter !

Quelques heures se passèrent dans cette cruelle angoisse. Un sombre désespoir s’emparait des voyageurs, car ils savaient bien que les sioux ne s’étaient pas éloignés et que s’ils ne se montraient point, c’était à dessein, pour atteindre leur but sans courir de dangers. On devait s’attendre à des attaques réitérées, à des surprises fréquentes. On tomberait probablement tour à tour, comme ce pauvre Pérusse, dans la solitude sauvage, loin du cimetière béni de la paroisse…

Il fallait cependant se mettre en route ; on ne pouvait indéfiniment demeurer là. Et qui sait ? quelques uns échapperaient, peut-être, et pourraient aller raconter au pays le triste destin des autres.