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AU LECTEUR



Les uns m’ont dit : « Ne faites plus de vers ; renoncez à la poésie : vous perdez votre avenir et vous vous préparez bien des déboires : vous n’êtes pas riche, et ce n’est pas en rimant que vous ferez entrer l’aisance à votre foyer. » Les autres, à leur tour, m’ont dit aussi : « Chacun doit faire profiter le talent que le bon Dieu lui a confié. Vous avez quelques-unes des qualités qui font les poètes, cultivez la poésie et charmez nos loisirs ; le reste vous viendra comme par surcroît.

Qui donc avait raison ? Les uns et les autres jusqu’à un certain point, mais surtout les premiers : du moins aujourd’hui je suis forcé de le croire. Et je n’ai pas suivi leurs conseils ! Mais est-ce bien ma faute, à moi, si je suis sous l’empire du dieu ou du démon de la poésie ? Depuis mon enfance je n’ai fait que rêver ! Puis-je laisser sans regrets aujourd’hui les régions mystérieuses où mon esprit s’est plu à demeurer, pour me plonger, corps et âme, dans les choses purement matérielles ? Puis-je imposer silence à cette voix impérieuse et ravissante qui s’élève dans mon âme, et qui