Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
ÉVANGÉLINE

 « Car, du côté du sud, la Têche est assez proche
« Avec Saint-Maur juché sur sa côte de roche ;
« Et c’est là que l’épouse, après de longs malheurs,
« Retrouvera l’époux qui séchera ses pleurs ;
« Que le pasteur pourra, sous son humble houlette,
« Réunir, de nouveau, le troupeau qu’il regrette !
« Le pays est charmant, féconds sont les guérets,
« Et les arbres fruitiers parfument les forêts.
« On marche sur les fleurs, et le ciel, sur nos têtes,
« Tend des voûtes d’azur que supportent les crêtes
« Des superbes forêts et des bois éloignés.
« Heureux les habitants de ces lieux fortunés
« Où du sol, sans travail, un fruit suave émane,
« Et qu’on nomme l’Éden de la Louisiane !… »


À ces mots consolants du Prêtre vénéré
La troupe se leva ; l’esquif fut démarré
Et vogua fièrement sur la vague de moire.
Le soir sur l’orient ouvrit son aile noire.
À l’occident pourpré le soleil radieux,
Comme un magicien dont l’art charme les yeux,
Tendit sa verge d’or sur la face du monde
Et noya, dans le feu, le ciel, la terre et l’onde.
La verdure des prés, le feuillage des bois,
Les vagues du beau lac, le tuf et les gravois
Jetèrent des rayons et des gerbes de flammes.
Le canot qui flottait sur les rapides lames
Avec ses avirons d’où les flots écumants
Retombaient, goutte à goutte, en larges diamants,