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ÉVANGÉLINE


Parmi les nénuphars, les bosquets d’orangers,
Les citronniers fleuris et les riches vergers.
La rapide nacelle, obéissant aux rames,
S’écarte de sa course en traçant, sur les lames,
Un sillon circulaire où tremble le ciel bleu.
Sa fuite, en ce moment, se ralentit un peu.
Elle entre dans les eaux du bayou Plaquemine
Que le soleil couchant de ses feux illumine.


Devant les voyageurs, en ces endroits déserts,
Coulent, de tous côtés, mille canaux divers,
Et leur barque s’égare en ces eaux paresseuses
Qui se croisent cent fois sous les feuilles ombreuses.
Les cyprès chevelus, de leurs sombres rameaux,
Forment, au-dessus d’eux, de sonores arceaux
Où flottent, parfumés, les mousses diaphanes,
Le lierre palpitant et les vertes lianes ;
Comme dans un vieux temple, entre de saints tableaux,
Flottent, tout déchirés, de célèbres drapeaux.
Il règne dans ces lieux un effrayant silence ;
On entend seulement le héron qui s’élance,
Au coucher du soleil, vers le grand cèdre noir
Dont les rameaux touffus lui servent de juchoir ;
Ou, sur un tronc noirci, le hibou taciturne
Qui fait frémir les bois de sa plainte nocturne.