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évangéline

Agite les brouillards qui voilent Terre Neuve
Ou les bords escarpés du gigantesque fleuve
Qui roule au Canada ses flots audacieux.
Sans amis, sans foyers, sous de rigides cieux
Ils errèrent longtemps de village en village,
Depuis les régions où l’impur marécage,
Où la tiède savane, au milieu des roseaux,
Sous un soleil brûlant laissent dormir leurs eaux,
Jusqu’à ces lacs du Nord dont les rives désertes
Sont de neige et de fleurs tour à tour recouvertes ;
Depuis les océans jusqu’au plateau lointain
Où, dans ses vastes bras, le fleuve souverain
Saisit les bancs de sable et dans la mer les pousse,
Avec les frais débris de liane et de mousse,
Pour recouvrir les os de l’antique mammouth.
Ils n’avaient nulle part ce qu’ils cherchaient partout :
La pitié d’un ami, le toit sacré d’un hôte !
Et plusieurs, sans parler, cheminaient côte à côte ;
Ils ne recherchaient plus le foyer d’un ami :
Leur âme désolée avait assez gémi :
Ils demandaient, ceux-là, la paix à la poussière.
Leur histoire est écrite en plus d’un cimetière,
Sur la pierre ou la croix qui couvre leurs tombeaux.
Or parmi ces captifs qui traînaient de leurs maux,
Sous des cieux étrangers, la chaîne douloureuse,
On vit errer longtemps une enfant malheureuse.
Elle était jeune encore, et son grand œil rêveur
Semblait toujours fixé sur un monde meilleur.
Oui, la pauvre proscrite, elle était jeune et belle !
Mais hélas ! bien affreux s’étendait devant elle
Le désert de la vie et ses âpres sentiers
Tout bordés des tombeaux de ceux qui les premiers