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46 ÉVANGÉLINE.

Et sur la mer houleuse, avec le grondement
Du fer rouge qu’on plonge en l’eau subitemen,
On entendit alors des jeunes tourterelles
Les doux roucoulements et les battements d’ailes !
On entendit le coq chanter dans le lointain
Comme pour saluer le réveil du matin !
On entendit les cris et les hurlements tristes
Du chien qui de son maître interrogeait les pistes !
Et les longs beuglements des troupeaux inquiets !
Et les vagues soupirs des profondes forêts !
Et les hennissements des chevaux hors d’haleine
Qui couraient effrayés, écumants, vers la plaine !
Et tous ces bruits divers formaient un bruit affreux
Comme le bruit qui trouble un camp aventureux
Qui vient de s’endormir sur l’herbe des prairies,
Ou sous les verts arceaux, près des rives fleuries
Du joli Nebraska bordé de bois ombreux,
Quand viennent à passer, par un soir orageux,
Tout auprès de l’endroit où s’élèvent les tentes,
Les naseaux enflammés, les crinières flottantes,
De sauvages coursiers qu’emporte le courroux,
Et d’agiles troupeaux de bisons au poil roux
Qui courent s’élancer, tout couverts de poussière,
Dans les vagues d’argent de la tiède rivière.


A l’aspect du fléau les malheureux captifs
Firent trembler les airs de leurs accents plaintifs :
— « Ils brûlent nos foyers ! Hélas quelle est leur rage !
« Nous ne reverrons plus notre joli village,