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ÉVANGÉLINE

« Sans armes nous goûtons un plus profond repos,
« Au milieu de nos champs et de nos gras troupeaux ;
« Nous sommes mieux encor par derrière nos digues
« Que n’étaient autrefois nos ancêtres prodigues
« Dans leurs murs qu’ébréchaient les canons ennemis.
« D’ailleurs dans l’infortune il faut être soumis.
« J’espère cependant que ce soir la tristesse
« Fuira loin de ce toit où va régner l’ivresse,
« Car le contrat, ce soir, doit se conclure enfin,
« Les jeunes gens, ensemble et d’une habile main,
« Ont bâti la maison et la grange au village.
« Le fenil est rempli de grain et de fourrage ;
« Pour un an leur foyer est pourvu d’aliments.
« Attends, mon cher Basile, encore quelques moments
« Et Leblanc va venir avec sa plume d’oie ;
« De nos heureux enfants partageons donc la joie. »


Cependant à l’écart, en face d’un châssis
Les jeunes fiancés étaient tous deux assis.
Regardant le ciel bleu, la belle Evangéline
Livrait à Gabriel sa main brûlante et fine ;
En entendant son père elle rougit soudain,
Puis un profond soupir fit onduler son sein.
Le silence venait à peine de se faire
Que l’on vit à la porte arriver le notaire.